Après avoir couru le Tor des Géants l’année dernière en Italie, Nicolas Craveiro s’était donné pour objectif cette sasion de s’engager sur les 360 kilomètres de la Swiss Peacks dans les montagnes du Valais.
Quand nous le rencontrons, il est sur la phase de récupération après son retour de Suisse avec La Diagonale des Fous dans un coin de la tête pour participer avec ses copains de « Solidaires by Esprit Sports » à ce dernier défi pour lui cette année.
Cette interview est l’occasion de faire un retour sur cette épreuve hors du commun qu’il a courue dans les montagnes suisses.
Nicolas, ton ressenti quelques jours après ton retour de la Swiss Peacks ?
La Suisse … C était bien !… C’était bien, mais c’était dur ! C’était dur aussi parce que j’y suis allé dans des conditions psychologiques … J’en avais parlé avec mon coach Nico (Boyer) : tu vois Jocelyne (Pauly), elle a attendu 4, 5 ans pour refaire le Tor. Je pense que c’est vraiment ce qu’il faut faire, parce que psychologiquement, j’étais vidé. Je suis parti en Suisse, mais je n’étais pas dedans. Je pense que le Tor m’avait bien « bouffé » à ce niveau. Nico m’avait dit, ce serait bien d’attendre deux trois ans avant de refaire un ultra de ce type. Le problème, c’est que moi, je n’ai pas deux ou trois ans devant moi. C’était cette année ou jamais. Je l’avais programmé comme ça avec Carole, ma compagne. Psychologiquement, je n’étais pas prêt, pas prêt à en reprendre pour 4 jours d’affilée, pas prêt à me taper dedans comme ça. Tu sais que c’est dur, le sommeil … Heureusement qu’ils étaient là, Carole, Baptiste (Hagnere), Mélanie (Lousplaas), parce que c’était vraiment costaud.
C’est une course qui est difficile. C’est beaucoup plus dur qu’au Tor. Physiquement, c’est plus difficile, techniquement, c’est plus raide. Même Baptiste, m’a dit alors qu’il était remonté à un col pour me retrouver, me voir passer, mais ce n’est pas possible, j’ai vu par où, ils vous faisaient descendre, alors qu’il y avait des lacets ! Alors que vous, vous deviez passer droit dans la pente, dans la caillasse ! Pour qu’il me dise ça alors qu’il est lui-même un gros montagnard …
Sur ce type de course, sur de très longues distances, c’est assez surprenant. C’est vraiment usant. Dès le premier jour, nous avons passé deux cols, puis le troisième, le quatrième, le cinquième, ça allait. Nous attaquons le sixième, j’étais avec un Français, il me dit, tu connais la course ? Non, pas du tout, je ne suis jamais venu ! P…n ! j’espère que ça ne va pas être tout le temps comme ça ! On va complètement exploser ! C’était hyper dur. Nous n’avions pas fait le tiers de la course et nous étions déjà rincés !
Tu n’avais pas anticipé de telles difficultés ? Tu as été surpris par le parcours ?
Quand tu regardes les parcours, sur le site officiel, tu peux repérer le relief, les dénivelés, mais tu ne peux pas percevoir les difficultés réelles, les difficultés techniques notamment. Il est impossible d’en avoir la mesure. Tu ne peux pas savoir si c’est roulant, si c’est du caillou. J’avais des éléments de connaissance pour les 170 derniers kilomètres, parce que j’avais un ami qui avait couru le 170 de la Swiss Peacks. Cela correspond en fait à la dernière partie de notre parcours. Ce gars a plus d’expérience que moi sur ces ultras très longues distances, il était encore à, la Western States cette année. Il m’a dit, la Swiss Peacks, c’est l’ultra le plus dur pour moi, alors qu’il n’a participé qu’au 170 !
Au moment où je suis arrivé à la bascule de ces 170 dernières bornes, j’ai bien pensé à lui ! Au vu de ce qu’il m’avait décrit, il valait mieux arriver à cet endroit plutôt en bon état. Franchement, c’est très costaud !
Au-delà de la difficulté du parcours, tu peux nous raconter un peu l’ambiance de la course, ses spécificités ?
Ce qui m’a un peu déçu, c’est que tu n’as pas cet engouement… En Suisse … personne ne savait qu’il y avait cette course, chez eux ! C’est fou, il est arrivé que l’on passe dans des villages, les gens qui étaient là demandaient, mais il y a quoi ? Qu’est-ce que vous faites ? Mais il y a une course ! Les habitants même ne le savaient pas ! On est loin de l’ambiance sur les courses en Espagne ! Sur les sentiers, il n’y a personne, c’est à se demander si les Suisses font de la montagne. Sur la zone que nous avons traversée, il n’y avait pas beaucoup de refuges. Au départ de la course, à Oberwald, il y avait un peu de monde, mais ce n’était pas la folie comme sur le Tor à Courmayeur. En Italie, tu as du monde partout, des ambiances de fou sur certains passages !
En revanche, pour ce qui est des paysages, il n’y a pas photo, la Suisse, c’est beaucoup plus beau. La vue sur les glaciers, les hauts sommets, c’est époustouflant ! Au niveau des sentiers, pour moi c’est ce que j’aime, c’est hyper technique donc j’ai adoré aussi. Mais je devais refaire une course, ce serait le Tor, pour tous ces spectateurs qui t’encouragent, cette ambiance. C’est vrai que le Tor a une grosse ancienneté. La Suisse c’était la sixième édition.
C’est amusant, parce que l’on te suivait sur le groupe, sur les photos, les vidéos postées par tes suiveurs, nous pouvions voir des paysages suisses comme on les imagine : les chalets, les villages dans les alpages …
C’est ça avec les vaches qui broutent en regardant passer les trailers ! C’est évident, tu as vu les photos sur les arrivées aux ravitaillements, ou lorsque je repartais. Quand tu m’as vu longer une route, tu n’as pas pu voir que ça ne durait que quelques hectomètres et qu’ensuite ça plongeait ou grimpait bien raide direct dans la pente ! Baptiste et Mélanie s’en sont rendu compte, parce que deux ou trois fois, ils sont grimpés sur des cols ou des crêtes pour nous voir passer, mais quand tu redescends vers les villages, évidemment, la pente s’adoucit.
Dans cette partie des Alpes suisses est-ce que vous montiez à des altitudes élevées ?
Si les dénivelés sont importants, les altitudes ne sont finalement pas très élevées. Nous ne sommes même pas montés à 3000 mètres. Tu es souvent à 2 800, 2 900 mais jamais au-delà. Alors qu’au Tor, tu montes à 3 300. Les sentiers au Tor sont plus roulants, ce sont des sentiers montagnards mais qui atténuent la pente, tu n’en es pas à te dire au bout de cent bornes, mais c’est quoi ce chantier, il va falloir que ça se calme ! Quand est-ce que je vais pouvoir récupérer ?
Comment as-tu géré ce parcours dans la durée ?
La gestion de la course a été très importante. Je me suis trouvé devant, avec des pros, des gars des teams Hoka, Lafuma. Le coureur de chez Hoka, c’était la 4ième fois qu’il participait à la Swiss Peacks. Il connaissait le parcours par cœur, il me disait, t’inquiète Nico, ce n’est pas le moment où il faut accélérer, laisse-les partir. Même lui, il me disait, mais tu n’as fait qu’un Tor des Géants et tu es ici ? Oui, mais moi je compte terminer en 105, 110 Heures. Mais là, il me disait on est sur des chronos de 95, 100 heures. Il craignait que je finisse par craquer. Moi, je me sentais bien, je n’avais pas du tout la sensation d’être au-dessus de mes capacités.
Leur expérience m’a beaucoup aidé. Quand tu connais le parcours, ça change tout aussi ! Tu sais ce qui t’attend, où tu vas pouvoir te reposer. Les mecs n’en revenaient pas que je travaillais, que je travaillais à temps plein et que je m’arrangeais pour m’entraîner selon mes horaires. Eux, ils ne travaillaient pas … Tu as payé 925 balles l’inscription, pour venir ici ! Mais moi, jamais de la vie je n’aurais payé une telle somme pour participer à une course ! Ils étaient invités, ils ne connaissaient même pas le prix de l’inscription … C’est un autre monde. A un moment nous étions 3eme et 4eme de notre catégorie Master 1, il m’a dit d’accélérer pour aller croque le mec devant nous pour être sur le podium. Je lui ai dit, je te laisse partir, moi, je ne fais pas la course au podium … Je veux finir ma course. Pour ces mecs, l’objectif c’est de faire des classements pour pouvoir être invités l’année d’après, pour rester dans le team, c’est très loin de mes motivations personnelles ! En ça, j’ai aussi vécu une expérience nouvelle pour moi, c’était la première fois que je me retrouvais ainsi en tête de course avec des coureurs pros.
Tu n’as pas craint d’être en surrégime ?
Franchement, cette année, j’étais « en cannes » ! Au Tor, ça n’avait rien à voir et j’avais cette expérience en plus. Oui, j’étais plus en forme que pour le Tor l’an dernier.
C’est un peu paradoxal, ce sentiment d’être à l’aise physiquement, alors que tu m’avais expliqué ne pas être au top psychologiquement …
C’est vrai que le Tor m’avait certainement un peu grillé au niveau psychologique et que je n’étais certainement pas à fond dans le truc … Mais tu sais comment ça se passe : tu es sur la ligne, tu mets le cerveau en position off, et quand c’est parti, c’est parti ! J’adore la montagne. Une fois que c’est parti, je suis dans mon milieu, j’aime ça. On y va ! En plus, Carole, Baptiste et Mel qui m’ont accompagné … cela m’a rassuré, ils étaient là pour mon assistance, pour m’encourager. Ils m’ont beaucoup aidé !
Cette assistance est importante pour toi ?
Oui, cette assistance, par ces personnes qui me sont très proches, qui me connaissent bien, est très importante pour moi. En même temps, on en parlait avec Carole à notre retour, elle me disait que si elle avait été seule, j’aurais gagné beaucoup de temps sur les ravitaillements. Les pros avaient leur femme sur les ravitos, ils mangeaient et ils repartaient tout de suite, Là tu as tes potes qui sont là ; tu ne peux pas faire ça ! Moi, je reste un peu plus, on discute plus, on tourne une courte vidéo, on poste des photos. Ce sont quand même des moments bien sympas à vivre ! Les autres, ils sont speed, ils mangent et ils repartent.
Tu évoques les ravitaillements, comment as-tu trouvé l’organisation ?
L’organisation des ravitaillements et des bases de vie était vraiment de très haut niveau. Cela était vrai aussi sur l’ensemble de la course. Tout est très bien organisé. Sur les ravitaillements, la nourriture proposée est très variée. Chaque base offrait des plats différents.
Cela ne m’a pas empêché de ne pas beaucoup manger. Je n’y arrivais pas. C’est étonnant, ce que je vais dire, mais je crois que j’ai été trop chouchouté par mon assistance ! Les autres coureurs, ils arrivent, ils vont au ravito et ils vont choisir ce qui leur fait plaisir dans l’instant. Moi, j’arrivais, je me posais et mon assistance me demandait ce que je voulais et tout m’était porté sur place. En fait après, ça ne me faisait pas envie et je ne faisais pas l’effort de me lever pour aller voir de moi-même. Et ça, c’est toute cette expérience que je n’ai pas. Et que tu emmagasines à chaque course. C’est pour cela que l’on dit qu’il faut courir trois ultras pour pouvoir faire une bonne perf. Du coup, je me suis très mal alimenté. Mes accompagnateurs me faisaient la remarque que je ne mangeais pas assez.
Comment cela se passe sur la course avec les autres coureurs ?
Comme souvent, tu finis par te caler avec d’autres coureurs qui ont une allure qui est à peu près la même que la tienne. Par exemple, j’ai couru avec un gars qui était plus fort que moi dans les montées, il me donnait le tempo et j’étais plus à l’aise que lui dans les descentes, c’est moi qui le guidais. Nous avons couru longtemps ensemble. Je fais 13 et lui fait 6.
Avec Nico, nous avons regardé dans le détail les allures dans les différents tronçons. Si nous les comparons, elles sont très proches. Ce qui fait la différence, c’est que je me pose trop sur les ravitaillements et que je dors trop ! Le gars a dormi 3 heures, moi, 8, 9 heures en tout. Mais comment, tu veux faire, on en a reparlé avec Baptiste. J’en avais réellement besoin.
Par exemple, sur un des gros passages du parcours, la fenêtre d’Arpette, je pense que c’est vers le 250ième, on l’a attaqué tous les deux, deux heures avant le lever du soleil. En général, c’est lui qui menait dans les montées, et là, j’étais devant lui, j’attaquais, je montais, je voyais que je le distançais, J’ai pensé qu’il s’était arrêté. En arrivant au col, sur la crête, je l’attends, je change le tee shirt, il arrive et je lui demande ce qu’il faisait. Il m’a répondu qu’il s’endormait et il a fait une micro-sieste. Il m’a expliqué que le team Hoka fait intervenir un gars qui les forme à dormir de cette manière un peu comme les skippers. Mais en fait, il s’est très bien requinqué et il n’a plus dormi de la course ensuite. Il a dormi 3 Heures en tout et pour tout. Cela fait un gros différentiel avec moi et mes 8, 9 heures ! Nico voulait que je me renseigne, pour prendre contact avec ce gars pour la prochaine fois … Mais il n’y aura pas de prochaine fois !
Comment as-tu géré ce sommeil ? C’est une question assez cruciale pour les trailers sur ce type d’ultra.
Moi, j’ai dormi, quand j’en avais besoin, mais seulement la nuit. Je n’ai dormi que dans les bases de vie des ravitos. C’était mon assistance qui gérait mon réveil. Tu vois, la japonaise avec qui j’ai couru assez souvent, elle était dans l’équipe Salomon, on a beaucoup discuté. Elle termine juste derrière moi. Il lui arrivait de s’arrêter et de dormir au bord du chemin. Quand elle est arrivée, on a attendu qu’elle passe la ligne, en fait mon assistance et la sienne avait sympathisé, Nous voulions vraiment la féliciter pour sa course. Elle a dormi en tout et pour tout deux heures de temps sur l’ensemble de la course !
Deux heures de temps, mais comment c’est possible ? Elle me disait, j’ai dormi sur le sentier, tu as vu. Moi ? Non, je ne dormais pas au bord du sentier, j’attendais toujours d’être avec mon assistance pour dormir. Mais tu vois, je crois que ce confort là, ce n’est pas bon. Je savais qu’ils avaient un plaid, ils avaient tout le matériel avec eux. Je voulais dormir, allez, allonge-toi, je m’allongeais, ils me couvraient, je n’avais à me soucier de rien ! C’était tellement facile, peut être aussi que je dors trop à cause de ça. Je n’ai pas le stress de l’organisation pour dormir, je n’avais pas tension sur cette logistique. Ils avaient un casque anti-bruit au cas où il y en aurait à côté. Du coup, c’était, tiens, je suis un peu fatigué, je vais dormir … et je dors trop ! 9 heures, c’est trop !
Pour aller plus loin sur cette question de la gestion de la fatigue et du manque de sommeil sur ces courses, de nombreux coureurs témoignent d’avoir eu à certains moments des hallucinations. Par exemple, Jocelyne Pauly m’avait raconté que sur le Tor, il lui semblait qu’elle reconnaissait les endroits sur lesquels elle arrivait … Alors qu’elle n’était jamais venue sur ces sites !
Globalement, je suis resté assez lucide sur le parcours. A un moment, j’ai eu, c’est vrai, des hallucinations : je voyais des châteaux d’eau partout ! Tu vois, des châteaux d’eau … aucun rapport avec rien ! Et je me disais, des châteaux d’eau alignés, mais c’est n’importe quoi ! Reprends-toi ! Réveille-toi ! J’avais un ruisseau à côté, je me jetais de l’eau au visage. Ces hallucinations, c’était vraiment débile ! C’est bizarre comme le cerveau fonctionne à ces moments-là !
J’ai eu aussi les mêmes sensations que Jocelyne l’an dernier sur le Tor. Mais là, c’était parce que j’avais tellement regardé de vidéos sur le parcours qu’en fait je reconnaissais certains endroits. Mais c’était un peu surprenant quand je me disais, mais tu l’as déjà eue cette vue ! Sur la Swiss Peacks, ça ne m’est pas arrivé parce que tu trouves beaucoup moins de vidéos que pour le Tor. Je n’avais quasiment rien regardé.
Tu viens de nous glisser qu’il n’y aurait pas une prochaine fois … Tu sais que tu ne participeras plus à un ultra très longue distance ?
Non, c’est trop engageant. Avec ma compagne, nous en avions convenu. Ces 300 bornes, c’est trop contraignant, on ne se voit plus. Cela fait deux ans que nous n’avons pas pris de vacances ensemble, deux ans que l’on n’a pas fait de randos ensemble. C’est trop de volume, la préparation « mange » tous mes temps libres, c’est trop. Franchement, je comprends que ce soit difficile pour elle. J’ai vraiment envie de ça en plus. De repartir tranquille en montagne avec elle, de souffler. Psychologiquement, j’éprouve un gros besoin, de faire une pause.
Maintenant, j’ai la Diag qui se profile, je n’ai pratiquement pas envie d’y aller. Je me suis fracassé les pieds pendant la Swiss Peacks. Je me suis fait une grosse entorse à la cheville à 5 km de l’arrivée, sur une piste lisse comme le salon, sans le moindre caillou…, C’était l’effet de la fatigue. J’étais complètement « cuit ». J’avais la cheville énorme.
Juste avant que tu arrives, j’étais en train de regarder un tuto pour voir comment strapper une cheville !
Tu as eu d’autres soucis physiques pendant ces 360 kilomètres ?
Finalement pas grand-chose. Une douleur au tendon derrière le genou au bout d’une cinquantaine de bornes. Ça ne m’a pas vraiment inquiété, Baptiste m’a massé un peu lors d’un ravito. Après, au bout d’un moment, tu as tellement de douleurs différentes un peu partout que tu finis par ne plus y faire attention ! Il faut que tu avances ! J’ai eu des douleurs sur les deux gros orteils, dont l’un m’a fait extrêmement mal jusqu’à il y a une semaine. Je me suis arraché l’ongle parce que je n’en pouvais plus. Je ne supportais pas de mettre une chaussette. J’ai même tourné de l’œil, mais je n’en pouvais plus de cette douleur !
Nous n’avons rien dit des conditions météorologiques que tu as connues en Suisse. Cela veut peut-être dire qu’elles étaient favorables ?
C’est vrai que nous avons eu de la chance : tout le temps très beau et chaud avec des températures très élevées dès que l’on descendait dans les fonds de vallée. Mais un grand soleil tout au long des journées. C’est magnifique pour les paysages, mais cette accumulation de chaleur et cette luminosité très forte finissent par être fatigantes. Quand nous sommes rentrés ici, je voulais rester dans le noir, je n’en pouvais plus du soleil de cette lumière forte ! La nuit aussi, les températures restaient douces. J’ai mis un peu le bonnet, pour ne pas attraper froid, mais je n’ai mis qu’une fois la veste sur un ravito. Sinon, une casquette sur la tête et un tee-shirt manches longues et ça passait tout le temps.
Qui sont les coureurs qui s’inscrivent sur ce type de course avec de telles distances et de tels dénivelés qui sont quand même un peu effrayants ?
Tu as les pros, dont je t’ai parlé, mais il y a vraiment de tout. Au village départ, j’étais avec Baptiste et Mélanie, on se disait mais, il va faire la course lui ? Tu vois aussi des mecs qui paraissent être en surpoids ! Tu as du mal à imaginer qu’ils partent pour courir plus de 360 kilomètres !
J’ai un ami qui suivait ma course, il m’a dit, quand tu es arrivé, il restait encore 150 kilomètres à parcourir pour le dernier concurrent … 150 bornes, c’est presque la Diag ! Cela veut dire que tu as des participants qui savent qu’ils s’engagent sur du très très long ! Certains bouclent la Swiss Peacks en 6 jours et demie.
Les écarts sont énormes. J’ai revu un gars que j’avais rencontré sur le Tor qui fait partie du team Kiwami comme Jérôme et moi-même. Il termine entre 26 et 27 heures derrière moi… et ce n’est pas un manche ! Pour moi, l’écart qui me sépare du premier, tourne autour des 20 heures.
Cet écart t’impressionne ?
Bien sûr que ça m’impressionne ! J’ai parlé avec lui, en début de course. Nous avons couru un moment ensemble. En fait, la stratégie que nous avions imaginée avec Nico concernant le rythme du début de course, consistait en essayer de rester avec la féminine gagnante de la course trois années d’affilée. Une suissesse, qui courait chez elle. Elle avait un chrono de 102 heures l’an dernier. Sur ses trois participations, elle avait amélioré chaque année. Elle avait fait 108, 105, 102. Mon objectif se situait entre 105 et 110. Je voulais voir comment elle gère son allure. J’avais dit à Nico, j’aimerais bien au départ la repérer et rester avec elle. Ensuite, voir au moins jusqu’à la première base de vie et puis au bout de 50 km, si elle est trop forte, elle part.
C’est ce que j’ai fait, et c’est là que j’ai couru avec ce gars qui gagne. Il avait la même stratégie que moi ! Se caler sur cette nana ! C’est un gars très costaud, du team Hoka, c’est un jeune qui vient de rentrer dans l’équipe. Au mois de juillet, il a couru le Tour du Cervin avec Franco Corre qui est le Kylian Jornet de ce type d’Ultra, un italien. Ensuite, il avait enchaîné avec un 260 en montagne. Cet été, il avait réalisé cette progression. Il n’y a pas de secret : moi je n’ai fait aucun gros bloc comme ça cette année. J’étais censé le faire pour l’Euskal, mais je ne l’ai pas fait. J’étais censé faire un autre gros bloc à Vielha, pour le trail du Val d’Aran, mais au bout de 40 bornes la course a été arrêtée par l’orage … Donc aucun gros bloc cette année ! La seule préparation du niveau de cet ultra cela a consisté à faire 240 bornes en montagne sur une semaine, je montais, je descendais, je repartais … Si tu veux être devant, c’est incontournable.
Cela étant dit, comme tu l’évoquais tout à l’heure, tu es un coureur amateur et ta performance est de très bon niveau !
Bien sûr ! Je mets 102 heures, la cible que je visais : 105, 110 heures. L’an dernier le gars qui met 102 heures, juste derrière la féminine, il termine 6 ou 7. Cela veut dire que le niveau global monte aussi sur la Swiss Peacks. Petit à petit, cette course est en train de construire sa notoriété : des paysages plus beaux qu’au Tor, un parcours encore plus exigeant. Cela finit par attirer de nouveaux coureurs de bon niveau. Le gars de chez Hoka, qui avait terminé à plusieurs reprises dans les 6 premiers, cette année visait un podium et 96 heures. Si tu regardes, il met 6 heures de moins que moi, … ce sont peut-être les 6 heures de trop que j’ai dormies, au lieu de rester avec lui.
Pour compléter cette interview :
Le site officiel du Trail du Tour du Cervin :
https://cervinomatterhornultrarace.it/fr
Le site officiel de l’Euskal Trail :
Le site officiel du Trail du Val d’Aran :