Nicolas Craveiro : « Je n’avais jamais autant eu peur en montagne que sur ce Val d’Aran »

Comme pour ses copains du groupe « Solidaires by Esprit Sports », Céline (Bérécochéa) et Benjamin (Séguélas), l’Ultra trail du Val d’Aran, au mois de juillet, constituait une étape importante dans la préparation de Nicolas en vue notamment de la Swiss Peacks au mois de septembre avec ses copieux 360 km dans les montagnes du Valais …

Nicolas s’était inscrit sur le 120 kilomètres, la course la plus longue proposée au programme de cette grande manifestation qui accueille plusieurs milliers de coureurs dans ces magnifiques montagnes aragonaises autour de Vielha.

Nicolas, quand je t’ai contacté pour réaliser cette interview, tu m’as répondu : Je n’ai pas grand-chose à te raconter : je n’ai fait que 40 bornes !

(Eclat de rire !) … Ce que je peux te dire, c’est que le Val d’Aran, c’était la folie ! Tout le monde savait que des orages étaient prévus ! Deux heures après le départ, nous en avons subi un de plein fouet, aux alentours de 18 Heures. Déjà, tu prends la grêle sur le « museau », c’est compliqué ! Et puis, à 20 Heures, pile poil quand j’étais sur les crêtes … Là, j’ai cru mourir ! Franchement, c’était terrifiant ! Tu avais l’éclair et de suite, Pam ! ça pétait ! Il y avait un vent qui soufflait en tempête, nous nous en voyions pour rester debout !

Je n’ai jamais eu mal en montagne comme cela : la grêle, c’était comme si un gars te canardait avec un pistolet à billes à bout portant. Pam ! Pam ! Pam ! Pam ! C’était un truc de fou ! J’ai perdu ma montre parce que je me jetais au sol pour me protéger du vent qui m’embarquait dans le ravin ! Je me jetais sur les rochers. J’étais avec un Américain et un Espagnol. A un moment donné, cet Espagnol essayait de s’agripper à un rocher en se recroquevillant pour se protéger des bourrasques de grêle. Mais on lui criait de ne pas rester là, de venir avec nous, il fallait absolument partir, quitter cette crête exposée à la foudre et à la tempête pour plonger vers le bas ! C’était de la folie !

Plusieurs coureurs pris comme toi sous l’orage ont témoigné qu’ils avaient vécu des moments très difficiles, y compris pour certains qui sont également de très bons montagnards !

Je n’avais jamais eu un temps comme ça en montagne. J’ai eu la mâchoire bloquée pendant deux jours ! C’était le résultat de la crispation. Je n’arrivais pas à me relâcher à ce niveau. Ça ne m’était jamais arrivé ! C’étaient des torrents d’eau ! Sur les petits sentiers, c’était boueux, je ne sais pas combien de « pelles » j’ai pris dans la descente. C’était impressionnant. Cela nous paraissait interminable, mais cet orage a duré une heure. Tous les trois, nous sommes finalement parvenus à descendre en direction d’un ravitaillement. D’autres concurrents y arrivaient également. Un bénévole nous a dit de venir avec lui. Du coup, nous sommes sortis du parcours, nous sommes descendus vers une cabane. L’idée, c’était de s’y mettre à l’abri. Quand nous sommes rentrés, nous étions une vingtaine, il y avait deux gars, en train de se faire un apéro à l’abri … Et là, ils nous voient tous arriver ! Ils se sont demandé ce qui leur arrivait ! Tout le monde dans ce petit espace … C’était deux espagnols super sympas, adorables. Finalement, nous avons tous bu un coup de gnole ! Il y avait une super ambiance : tout le monde était soulagé, même si nous étions tous frigorifiés ! Nous nous sommes changés. C’est là que tu te dis que le matériel obligatoire, c’est indispensable pour de telles occasions.

Il faut savoir qu’au bout d’une heure, tout était terminé : le ciel était dégagé, tu voyais partout des étoiles. Mais la course avait été arrêtée parce que les tentes des ravitos avaient été emportées. Les bénévoles qui étaient sur les cols avaient dégagé pour se mettre à l’abri. Les organisateurs proposaient de descendre par une piste en direction de Bagnères de Luchon pour retrouver un autre ravitaillement, soit de continuer un peu, en reprenant le chemin du parcours. De mon côté, j’ai décidé de repartir sur le cheminement normal et là, j’ai vu un coureur avec 6 pompiers qui étaient venus à son secours. Il était frigorifié, en hypo. Ils étaient sur lui en train d’essayer de le réchauffer. Il était devant nous sur les crêtes, complètement à découvert et il n’avait pas réussi à se mettre à l’abri.

Dans la cabane, nous nous disions qu’heureusement, cet orage violent avait frappé la tête de course, concernant des coureurs certainement plus habitués et montagnards qui ont réussi à s’échapper majoritairement. Si cela arrive sur des coureurs moins aguerris, en fin de peloton, il peut vite y avoir de très gros soucis.

C’est pour ça que je t’ai dit que je n’avais pas grand-chose à raconter à propos de la course, parce qu’en fait, quand je dis que j’ai parcouru 40 bornes, c’est parce que j’ai un peu continué sur le parcours après la cabane. Sinon j’aurais pu bifurquer et aller directement au bus… Je n’ai couru qu’une trentaine de kilomètres de course. Donc à part te raconter que j’avais couru cette trentaine de bornes avant de prendre un orage phénoménal sur la tête … Je me suis écorché toute la peau sur les tibias, en plongeant carrément sur les cailloux pour m’arrêter. Je n’ai jamais eu aussi peur en montagne de toute ma vie ! Je me suis dit, mais qu’est-ce qu’on fout là ? Tout le monde savait qu’il y allait avoir un orage et nous connaissions même quasiment l’horaire auquel il allait éclater. En plus, je suppose que l’organisation dispose de moyens de connaissance de la météo très précis. Ils nous font partir, alors qu’il va y avoir l’orage !… Normalement, ils sont censés avoir un parcours B, qui ne te monte pas sur les crêtes, sur les sommets, tu auras moins de dénivelé mais les risques sont atténués. Ou alors, tu décales le départ en fonction des prévisions des horaires de l’orage. Surtout si ensuite, le retour du grand beau est prévu. Sur nos téléphones nous avions tous accès à une alerte orage. Le ciel s’est couvert, c’est devenu noir … Et là, ça a éclaté pile au moment où nous arrivions sur les crêtes. Franchement, nous avons eu de la chance et j’ai été soulagé quand ils ont arrêté la course.

Quand nous sommes arrivés au bus, certains questionnaient la possibilité de terminer la course, alors que le grand beau s’était installé … Mais il faut comprendre la difficulté pour les organisateurs de gérer ce type de situations extrêmes avec toute la logistique des ravitaillements en montagne qui avait été emportée par la tempête et des bénévoles qui s’étaient eux aussi mis à l’abri. Et c’est normal, c’est une question de sécurité !

Pour compléter cette interview :

Le site du Trail du Val d’Aran :

https://valdaran.utmb.world/fr

L’article relatant la course de Céline Bérécochea et Benji Séguélas au Val d’Aran :