Laurent, tu nous as commenté le programme qui va guider une saison dont la « Diagonale des Fous » constituera le final d’un magnifique projet collectif avec tes ami(e)s de « Solidaires by Esprit Sports ». Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton histoire dans le sport ?
Avant d’arriver sur le trail, je n’avais aucun vécu sur les sports d’endurance. Je jouais au tennis. J’avais un petit niveau, je suis monté jusqu’à 5/6 pour parler de mon classement. J’ai aussi assumé des responsabilités, j’ai été président de mon club. A un moment, j’en ai eu un peu assez de tout, j’ai tout arrêté au niveau du tennis. C’est à ce moment-là que je suis arrivé enseignant à l’école d’Arudy, j’ai fait la connaissance d’un certain Jérôme Mirassou qui m’a un peu parlé de trail, et puis voilà… L’aventure a démarré !
J’ai essayé, je m’y suis mis petit à petit. J’ai aussi un cousin qui est assez sportif. Nous nous lancions dans de petits défis, sur une idée comme ça… Pourquoi on ne ferait pas ça ?… Allez, on le fait … Nous avons couru quelques semi-marathons, le triathlon de Baudreix. Ce n’étaient pas du tout nos spécialités : lui, il joue au basket à Oloron, moi je venais du tennis. Nous n’avions pas du tout cette culture. Nous nous sommes fait quelques délires comme ça ! Et en 2019, nous nous inscrivons sur le Grand Tour de la Vallée d’Ossau (le GTVO) en relai. C’est notre premier contact avec le trail. Une première expérience assez compliquée… Lui court le premier relai, je ne savais jamais à quelle heure il allait arriver, je ne m’étais pas bien alimenté, résultat : une belle hypo ! Un petit dodo et puis je suis reparti et j’ai terminé la course …
2020, pas grand-chose avec le COVID. Mais nous avons continué de nous entrainer, nous avons fait quelques sorties trail en montagne.
En 2021, j’ai commencé à monter un peu en puissance au niveau des distances de courses. J’ai couru le GTVO en solo., c’est-à-dire 75 km. Je suis aussi allé sur le 80 km des Templiers pour terminer ma saison. C’était déjà pour moi un énorme pallier, sachant qu’auparavant je ne courais que des 30 bornes.
La saison passée, j’ai fait le 130 de l’Euskal, je m’étais dit que j’allais rajouter une nuit. Jusque-là, sur toutes mes courses, je partais le matin et j’arrivais dans la soirée. Là, sur un 130, tu passes une nuit dehors et c’était une expérience que je voulais connaître. En fin de saison, en septembre, j’ai couru un 100 km, en Espagne, le Somontano, en Sierra de Guara. Toujours avec l’idée de connaître de nouveaux coins, de participer à de nouvelles courses.
Tu nous décris ta progression sur les distances de tes courses, mais comment arrives-tu sur ces ultras ?
J’avais accompagné Jérôme (Mirassou) sur l’Euskal quand il a gagné le 130. Je lui avais fait l’assistance. Je l’avais rejoint sur plusieurs ravitaillements. J’avais trouvé le site très joli. Je m’étais dit qu’en tant que coureur cela devait être sympa. Pareil pour le Somontano, la Sierra de Guara, autour d’Alquezar, je connaissais un peu, c’était aussi une façon de mieux connaître ce superbe site en Aragon et d’allonger les distances petit à petit. Ces courses se sont plutôt bien passées. Dans l’ensemble je finis plutôt bien. Je commence à mieux me gérer, à me connaitre sur ces efforts. Cette évolution s’est mise en place petit à petit … Je n’ai plus jamais touché une raquette de tennis… Je n’ai plus le temps en fait !
Tes volumes d’entraînements deviennent conséquents ?
J’ai pas mal de séances d’entrainements, qu’il faut combiner avec la vie de famille, le travail … Je n’en suis pas à une séance quotidienne, mais c’est au moins quatre fois par semaine. J’essaie d’augmenter la distance progressivement. L’année dernière j’ai donc couru ces deux ultras. Mon cousin me donne un coup de main pour l’assistance, avec Jérôme qui vient aussi sur les ravitaillements. Je suis bien drivé !
Comment arrives-tu à t’organiser ?
Alors, ça dépend des contenus des séances et des distances. Les sorties longues pour moi, c’est souvent le week-end, le matin très tôt. J’ai des marmottes à la maison, donc cela me permet de m’esquiver et de revenir quand elles ont un peu émergé. Ainsi, je ne prends pas mon week-end juste pour moi. C’est un peu la contrepartie pour ma famille. Les sorties plus courtes sont positionnées en semaine. Le mercredi parfois, il m’arrive de pouvoir caser une assez grosse séance. Pour le rythme hebdomadaire, c’est à peu près ça.
Au niveau des contraintes, c’est parfois un peu compliqué quand on commence à courir des ultras, de trouver des courses pas trop loin. Ensuite, avec mes emplois du temps professionnels (Laurent est enseignant), je rencontre une autre difficulté parce que souvent, sur ces compétitions, les départs sont donnés le jeudi ou le vendredi. Je ne peux donc viser que des courses dont les dates correspondent aux vacances scolaires.
Ton temps, comme pour tous les trailers amateurs est contraint, cela implique que tu optimises tes sorties en profitant de lieux dans la proximité de ton domicile ?
Pour les sorties, souvent, c’est au plus rapide. C’est-à-dire pour la montagne, la Vallée d’Ossau. C’est un peu un regret, j’aimerais bien connaître d’autres secteurs. Mais pour pouvoir optimiser le temps disponible, c’est la Vallée d’Ossau qui est la plus proche. Ensuite ce qui me plait beaucoup, c’est qu’avec le groupe, j’arrive quasiment toujours à trouver quelqu’un pour ne pas être seul. Parce que les sorties longues tout seul … Je le fais quand je suis obligé, mais ce n’est pas le but. Dans ce groupe de coureurs, tu dois commencer à t’en rendre compte, nous avons une super ambiance. Ça chambre, on se challenge. On fait des choses sérieusement mais sans se prendre au sérieux…
Donc sur mes sorties longues, j’arrive souvent à combiner avec quelqu’un même si ce n’est que pour une partie de la sortie. C’est plus sympa ! Je ne suis pas comme Jérôme qui ne trouve personne pour faire ses séances sur la voie verte en Vallée d’Ossau et sur la rocade. Jérôme aime beaucoup la rocade !
Mais j’ai aussi une voie verte à Gan qui va jusqu’à l’entrée de Jurançon. Je l’utilise parfois pour mes entrainements sur route et je la fréquente aussi à vélo pour aller au travail à l’école.
Quand tu jouais au tennis, tu te préparais physiquement ?
Quand je jouais au tennis, je n’avais pas du tout de préparation physique. Ce n’était que des entrainements techniques et du jeu. C’est pour ça, quand j’ai débuté sur le trail, je suis parti d’un peu loin. Mes premières séances, même de course à pied classique, c’était quelque chose ! Alors quand on m’a dit que pour le trail, il fallait aller en montagne … Ici, sur les coteaux, quand je faisais 100 m de dénivelé c’était déjà trop ! C’est rigolo … Mais le fait d’être dehors, de découvrir aussi des montagnes qui sont proches de chez nous et que je ne connaissais pas forcément … J’ai un attrait pour ça aussi. Et puis, il y a ce besoin de couper. La mentalité tennis, au bout d’un moment, ne me plaisait plus, ne me correspondait plus forcément. Me retrouver dehors, alors que j’avais une mauvaise connaissance de mon environnement proche, de partager ce vécu avec des mecs très sympas c’était le bon moment. Je crois aussi que c’est plus facile maintenant que cette activité s’est beaucoup développée. Tu trouves facilement des secteurs avec des sentiers bien balisés ce qui les rend certainement bien plus accessibles pour des novices comme moi.
Pour tes séances, tu aimes bien changer de disciplines, utiliser les entraînements croisés …
Oui, j’utilise également le vélo sur les entraînements. Et là, en ce début de saison, pour préparer la Pyrénéa je travaille tout particulièrement les enchaînements course à pied, vélo et le passage du vélo au ski de rando. Il faut habituer son corps à ces transitions. L’an dernier, arrivé à Rébénacq après la partie course, je monte sur mon vélo, je sors du parc, je crampe. Je me suis dit, ce n’est pas possible ! Après, c’est revenu, mais cet enchaînement c’est vraiment bizarre. J’ai bien compris qu’il fallait faire des séances spécifiques pour se préparer ! Je pense que si nous ne faisions que de la course à pied ce serait traumatisant. Donc il y a le vélo, mais aussi le ski de rando pendant la saison hivernale.
Tu as dit que c’était Jérôme Mirassou qui t’avait fait découvrir le trail. Il a été ton collègue, vous êtes amis, mais c’est aussi ton coach …
Le fait que Jérôme me coache est très important pour moi. C’est d’autant plus vrai qu’il arrive à allier le côté ludique de la préparation et le côté sérieux au niveau de l’engagement quand il faut y aller… Ce qui est primordial aussi c’est son aide sur les choix : les choix de course notamment. Le planning de l’année se fait forcément avec Jérôme, il va nous dire, ça c’est pertinent, ça il ne faut pas … Parfois, nous avons tendance à nous dire : si j’ai fait ça, ça, ça va passer, on voudrait enchainer … Lui il sait à quel moment il faut faire des gros volumes, à quel moment il faut s’économiser un peu. Je pense aussi que le fait d’avoir un cadre bien précis, est une aide précieuse. Moi, au début, les footings ce n’était pas à fond mais pas loin ! Là, nous sommes recentrés sur comment s’y prendre, pourquoi, quelle démarche … Ce n’est pas juste courir pour courir. Il y a de tout. Quelquefois des séances pas très fun, des séances où tu sais que là, ça va être rigolo. Il arrive à concocter des plannings qui sont intéressants et hyper variés.
Cela veut dire que tu commences à développer des connaissances sur ces aspects de préparation physique que tu n’avais pas investis lorsque tu jouais au tennis ?
Je me rends compte que je m’intéresse à ces aspects de préparation que j’ai finalement découverts il n’y a pas très longtemps. Avant, je partais pour une heure de footing, la fréquence cardiaque, tous ces paramètres, je ne les regardais pas, je ne savais pas forcément à quoi cela correspondait. Maintenant, je ne vais pas dire que je suis devenu un spécialiste, loin de là, mais j’arrive à comprendre les enjeux, la finalité de toutes ces séances. Je comprends pourquoi Jérôme me demande de focaliser mes efforts sur tel ou tel paramètre. Et puis, je vois bien que ça paye ! Je mesure mes progrès. Les courses se passent bien. Je n’ai jamais terminé de course sur laquelle je finis au bout de ma vie, à l’agonie, en me disant que je n’en ferai plus jamais ! Je finis plutôt dans un état correct, c’est vrai que ça me donne envie de continuer. Je mesure donc les effets très positifs de cette préparation qui m’est proposée.
Tu es monté en gamme sur tes entraînements ces dernières années, est-ce que tu es attentif à des paramètres comme l’alimentation ?
La question de l’alimentation… je ne me la pose pas ! Je me dis que nous faisons pas mal de sport. On ne forcit pas trop. J’ai une femme réunionnaise et une belle-mère réunionnaise, l’alimentation n’est pas grasse !
Pour la finalisation du défi Go Fight Win sur la « Diagonale des Fous », tu seras un peu le local de l’étape dans le groupe des « Solidaires by Esprit Sports » !
Je commence à connaître un peu la Réunion ! Sur les carries, je vais pouvoir leur donner des conseils sur ce qu’il faut ou ne faut pas manger !
C’est pour cela que, à titre personnel, la Diagonale, revêt cet aspect si particulier. Il y a ce côté un peu sentimental, familial. Cela fait des années que nous allons à la Réunion. Quand je voyais certaines parties du parcours, je disais, mais non les gars, c’est inaccessible ! Et puis, chemin faisant, tu te dis, bon, ça peut se tenter… C’est super ! Mon beau-frère qui est là-bas a déjà couru les deux parcours les plus courts : la Mascareigne (72 km) et le Bourbon (110 km), alors la Diagonale, c’est énorme pour eux. En allant courir là-bas, cela va être la folie au niveau des gens qui vont nous encourager. Oui, dans la famille, ils sont à fond ! Ma belle-mère ne va pas se faire prier pour aller amener un ravitaillement à tel ou tel endroit.
Par rapport à ça, je suis plus attiré par une Diagonale des fous que par l’UTMB qui est aussi une course mythique au niveau mondial. Là, il y a une connotation affective, personnelle. Cela a une autre valeur. C’est un projet familial. Je vois les filles à la maison, quand je dis que je vais participer à ce projet, elles exultent !
Tes filles commencent à connaître un peu l’île, certains sites par lesquels vous allez passer ?
Cet été nous avons fait plusieurs sorties dans les sites que parcourt la Diag. Nous sommes allés voir par exemple, Cilaos, c’est un point de ravitaillement important. Et puis elles sont un peu grandes, elles se rendent bien compte des difficultés de la course. Elles connaissent certaines parties : elles commencent à avoir l’habitude de randonner en montagne sur l’île. Elles me disent que je suis un peu fou ! Je leur réponds que cela a donné le nom à la course ! Et puis, il faut savoir que pour les Réunionnais, c’est un moment incroyable. L’île est en fusion ! Maintenant que la course est diffusée, chaque fois que je vois le départ, je me dis ouah ! c’est énorme ! Et puis j’en reviens à me dire que courir 160 km dans de tels paysages, c’est dément ! Et puis, … On va y aller !!!
Pour en savoir plus sur les courses dont parle Laurent :
Le semi Marathon d’Oloron : https://www.facebook.com/SemiMarathonPatrimoineOloronais/
Le Grand Tour de la Vallée d’Ossau : https://www.gtvo.fr/
L’Euskal Trail : http://www.euskalraid.com/
L’Ultra Trail Guara Somontano : https://utgs.es/
La Diagonale des Fous : https://www.grandraid-reunion.com/